13e Festival du film asiatique de Deauville

Quelques lignes de bilan, forcément orienté. L’année derniere j’avais annoncé la mort du Festival. Si ce dernier est toujours là pour cette xxeme édition, il y a quand meme une certaine forme de mort artistique qui domine. Quoique… On va commencer par les évidences : Deauville Asia est un festival commercial. La quasi-totalité des films présentés sortira à court ou moyen terme en France, et cette exposition n’est qu’une énorme avant première déguisée, avec en point d’orgue la volonté de donner un prix à un film d’un distributeur ami et complice. Par là meme, Deauville Asia n’a pas son role de défricheur – ils n’ont meme pas de programmateur – et cela se ressent dans une certains consensualité des films présentés. Enfin c’etait le cas les années précédentes, avec des films sociaux au label National Geographic pour les paysages.

Cette année, bizarrement, il y a eu des risques dans la selection officielle. Des risques mesurés, certes, mais on ne peut que se réjouir de voir le gore guignolesque Cold Fish de Sion Sono s’afficher dans la compétition par exemple. Je n’ai malheureusement pas été assidu au Festival de cette année, alors je ne me lancerai pas dans de grandes tirades sur les autres selections, mais il est encore une fois à noter que Action Asia est un ramassi de n’importe quoi sans réelle homogeniété tandis que la selection Panorama est réduite à peau de chagrin avec des redites de films proposés dans les regards sur deux cinéastes coréens, dont la présence n’est due qu’à une coincidence avec d’autres evenements parisiens. Opportunisme, qui aurait pu déboucher sur de vraies tables rondes, mais comme d’habitude Deauville Asia rejette ce genre d’evenements secondaires, propice à la reflexion, pour ne proposer que deux Master Class à sens unique. D’ailleurs c’est peut etre ce qui manque le plus à Deauville Asia, une ambiance, des échanges. Une vie quoi ! Le Festival est froid, glacial meme. Et ce n’est pas la pauvre buvette installée dans le hall qui changera quoi que ce soir. Alors peut etre est ce du à la faune festivaliere de Deauville Asia. Des passionnés certes, mais aussi un public frileux et strict qui intelectualise à outrance (il faut entendre certains commentaires en sortie de projo….. ceux sur Cold Fish mériteraient des palmes, et des face palm aussi). Peut etre est ce aussi du à l’organisation qui a oublié qu’on parlait de Festival et non pas de projections à la chaine. Peut etre pourrait on avoir des evenements secondaires comme des tables rondes avec les invités et des journalistes spécialisés…. Peut etre pourrait on avoir une boutique avec des films, des livres, des posters… Peut etre pourrait on avoir un endroit où parler cinéma, tout simplement ? Mais bon, Deauville Asia a toujours été froid. Disons que c’est leur marque de fabrique. Un evenement anti evenementiel.

Petit tour d’horizon des rares films que j’ai vu :


True Legend : Vainqueur de la competion Action Asia, la victoire était préssentie devant la vacuité des adversaires. Pourtant True Legend est tout sauf un bon film. Avec une petite odeur de WXP à l’ancienne, YWP revient à la réalisation pour livrer un film faisandé dont certains passages ne démeriteraient pas entre les mains des Pang Bro’. Alors oui certaines chorégraphies sont jolies, mais elles sont répétitives avec ce gimmick de faire des inserts de la lame coupant la chair…. YWP n’a jamais pour moi été un bon réalisateur, tout juste est il dans la norme du passable mais sans génie. En ajoutant des sfx moisis (non mais cet effet fantome sur la danse de l’homme ivre !!), il perd la quasi-totalité du charge du WXP à l’ancienne et livre un produit vraiment nul où le seul véritable interet est de retrouver le sous estimé Chiu Man-cheuk.

Buddha moutain : Tout commencait pour le mieux : chronique pleine d’humour et de spleen sur 3 jeunes chinois, croisant le chemin d’une dame agée que la vie n’a pas épargnée. Oui, tout commencait bien. Un bon rythme, des ellipses narratives bien venues pour desamorcer le pathos, des acteurs de bonne tenue (meme Fan Bing Bing est convaincante), et une réalisation propre aidée par un montage vif. Mais voilà à un moment, pour des raisons scénaristiques non évidentes, le film dérape avec quelques images à vocation sociales tendace Chine Miserabiliste Ouvriere. Je suis sorti du film, meme si finalement ces images ne sont que quelques minutes en tout. C’est dommage, j’aurai aimé etre plongé dans l’histoire de bout en bout. Surtout que la fin est à l’image du début : bonne.

Detective Dee : Sur grand écran, le film est encore plus bluffant. On va passer rapidement sur la qualité des sfx, pas convaincants mais pas totalement faisandés, pour ne parler que du génie du reste. Tsui Hark rules the world comme on dit. Il ne livre pas ici un nouveau maitre étalon comme ont pu l’etre Time & Tide ou les Once Upon a Time in China, mais il prouve qu’il a bien digéré de quelques erreurs passées. La caméra est en perpetuel mouvement, sans jamais perdre le spectateur dans les immenses décors. La gestion de l’espace est exemplaire, tout comme le montage, la direction d’acteur et les combats chorégraphiés par un Sammo en pleine forme. Detective Dee est un festival, qui offre des moments de pure folie comme le marché fantome ou le combat contre des cerfs. Et en plus le scenario est compréhensible du premier coup, chose rare chez Tsui Hark. Film d’action de l’année pour moi.

Cold Fish : A en croire certains spectateurs le film est une métaphore de la violence intérieure qui ronge tous ces japonais refoulés par une dictature morale imposée par la société. Ou un truc du genre. Et si finalement Sion Sono avait pondu un film défouloir ? guidé par un cahier des charges made in Sushi Typhoon, qui ressort bien dans la derniere partie, le film de Sion est en fait un spectacle guignolesque, uber extravaguant, délicieusement grotesque et savament sexuel. L’exagération constante a choqué plus d’un spectateur moralement peu préparé, mais Cold Fish n’a rien d’un manifeste. C’est un spectacle assumé dans sa déviance, son parfois mauvais gout, mené de main de maitre par un Sion dont la réalisation s’améliore de film en film. Porté par des claquements de portes et portieres, m’ayant rappelé le Guy Ritchie des bons jours, Cold Fish est un film enorme dans tous les sens du terme.

Birthright : mon coup de cœur du Festival à tel point que j’ai préféré rentrer plutot que de voir d’autres films apres celui-ci pour ne rien gacher. Quasi mutique, avec de longs plans séquences fixes, le film est aride. Mais il dégage une ambiance anxiogene importante et réserve de beaux moments de pure poésie comme cette fin symbolique, passablement outranciere chez certains autres réalisateurs, mais qui passe ici de sublime façon. Grosse leçon de cinema à certaines pointures invitées à Deauville Asia, de la part d’un réalisateur tres indie / auteur et sans moyen.


Quitte à me surprendre moi-même, je tiens quand meme en conclusion à remercier le Public Systeme qui a facilement et sans trainer des pieds accepté ma demande tardive pour une interview d’une réalisateur. Comparé à la lourdeur dont ils faisaient preuve les années précédentes, lourdeur augmentée d’une certaine méfiance / dégout / sous évaluation / mépris (cochez selon la personne à qui vous aviez à faire)vis-à-vis du média internet, leur rapidité (et sympathie) a failli me faire croire que je n’etais plus à Deauville Asia. Interview demandée au forcing à 17h20, samedi. Réponse positive à 17h25 pour un rendez vous le lendemain à 14h00. Et à noter que j’etais le seul à interviewer le réalisateur en ce dimanche apres midi et que donc le créneau fut ajouté pour moi seul !!!! Alors soit le Public Systeme a changé (Merci à Clément au passage), soit ils n’avaient pas eu le quota d’interview escompté et voulait faire bonne figure devant leur invité. C’est probable ceci dit.


Prix Noami Tani des seins les plus lourds et hypnotisants : Kagurazaka Megumi dans Cold Fish
Prix Corée des baffes dans la gueule : Oho sayoko et Yagyu Miyu dans Birthright
Prix Brigitte Bardot de l’animal qui sait se défendre : le cerf dans Detective Dee
Prix Pang Brothers de l’effet numérique qui te décolle la rétine : la danse de l’homme ivre dans True Legend
Prix Champomy de l’ambiance : le bar du Festival
Prix geek de la discussion : Epikt et yume à propos des crédit en anglais de Birthright


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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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